L’Université McGill annonce des coupes en réponse aux nouvelles politiques du Québec
Written by The Canadian Press on February 10, 2025
MONTRÉAL — L’Université McGill prévoit des réductions de coûts et des licenciements pour faire face à un déficit prévu de 45 millions $ pour le prochain exercice financier, qu’elle impute en partie aux nouvelles politiques du gouvernement du Québec.
Les administrateurs de l’université montréalaise affirment que McGill fait face à bon nombre des mêmes défis que d’autres établissements postsecondaires canadiens, notamment la réduction des inscriptions d’étudiants internationaux. Ils affirment cependant que McGill a également été durement touchée par la décision du gouvernement du Québec d’augmenter les droits de scolarité des étudiants de l’extérieur de la province et de récupérer des revenus d’inscription.
«Ces pressions ont des répercussions importantes sur la réalisation de la mission de McGill et sur notre identité en tant qu’université de classe mondiale», a déclaré vendredi le recteur de McGill, Deep Saini, lors d’une assemblée publique.
Le vice-recteur principal aux études, Christopher Manfredi, a déclaré lors de la réunion que l’université s’attendait à un déficit de 15 millions $ pour cet exercice financier, mais que ce déficit pourrait s’élever à un déficit accumulé de 194 millions $ d’ici 2028 si aucun changement n’est apporté.
Face à la menace de ces déficits, l’université prévoit équilibrer son budget et éliminer les déficits prévus de 45 millions $, 16 millions $ et 14 millions $ au cours des trois prochains exercices financiers. M. Manfredi a déclaré que la dotation en personnel représente 80 % des dépenses de fonctionnement de McGill et que la majorité des économies proviendra de la réduction des «effectifs administratifs et universitaires».
Il a déclaré que certaines économies proviendront de l’attrition (et non du remplacement du personnel qui part), de l’élimination des heures supplémentaires et de la réduction des heures de travail lorsque les employés le souhaitent. Certains postes vacants pourraient aussi ne pas être pourvus.
«Mais nous savons aussi que cela ne suffira probablement pas, a déclaré M. Manfredi. Dans certaines circonstances, des postes devront être abolis, ce qui entraînera des pertes d’emploi. C’est une nouvelle inquiétante. Nous en sommes conscients et nous ne prenons pas cela à la légère.»
Le vice-recteur Manfredi a déclaré que de 250 à 500 postes pourraient devoir être supprimés, bien que McGill affirme que jusqu’à 360 employés quittent l’université au cours d’une année donnée pour diverses raisons, ce qui pourrait influer sur le nombre de licenciements. Chaque faculté s’est vue attribuer un objectif budgétaire pour l’exercice 2025-2026, a-t-il ajouté, qu’elles peuvent atteindre en mettant fin à certaines activités ou en les réduisant, en éliminant les cours à faible taux d’inscription, en donnant la priorité à l’enseignement par des professeurs titulaires et en augmentant les inscriptions lorsque cela est possible.
Plafond fédéral d’étudiants étrangers
L’université lance également une nouvelle initiative pluriannuelle, «Horizon McGill», pour améliorer l’efficacité administrative et la prestation des programmes. M. Manfredi a qualifié cette initiative de «réexamen du modèle budgétaire de l’université».
McGill n’est pas la seule à faire face à une période de turbulences financières. Les universités et les collèges de tout le pays signalent des déficits budgétaires et des coupes, en grande partie dus au plafond imposé par le gouvernement fédéral sur le nombre d’étudiants étrangers, annoncé pour la première fois en janvier 2024. «Pratiquement toutes les universités du Canada sont actuellement confrontées à des déficits budgétaires», a soutenu M. Manfredi.
Le gouvernement du Québec a également adopté en décembre une loi qui lui accorde un large pouvoir discrétionnaire pour limiter le nombre d’étudiants internationaux en fonction de la région, de l’établissement d’enseignement et du programme d’études.
M. Manfredi souligne également plusieurs autres politiques québécoises «inattendues» qui exercent une pression supplémentaire sur McGill, notamment la décision du gouvernement, en 2023, d’augmenter de 3000 $ par année les droits de scolarité des étudiants de l’extérieur de la province, une mesure qualifiée par Québec de nécessaire pour protéger la langue française à Montréal. Le gouvernement caquiste a également décidé de récupérer une grande partie des droits de scolarité des étudiants internationaux pour les redistribuer aux universités francophones du Québec.
À compter de l’automne 2025, les trois universités anglophones du Québec devront également veiller à ce que 80 % des étudiants de premier cycle de l’extérieur de la province atteignent un niveau intermédiaire de compétence en français au moment de l’obtention de leur diplôme.
«Il a fallu plus de deux siècles pour bâtir cette université de renommée mondiale, mais un peu plus d’un an pour que ces décisions lui portent profondément préjudice», a déclaré l’université lundi dans un communiqué envoyé par courriel.
L’Université Concordia, la deuxième plus grande université anglophone du Québec, a également signalé d’importants problèmes financiers depuis l’annonce des nouvelles politiques fédérales et provinciales. La semaine dernière, l’université a annoncé qu’elle se dirigeait vers un déficit de 34,5 millions $ pour l’exercice financier en cours, dans le cadre d’un plan de redressement financier approuvé par le gouvernement.
Concordia prévoit toutefois un déficit de 79 millions $ pour l’exercice 2025-2026, en raison de facteurs tels que la baisse des inscriptions et les augmentations de salaire. Ce déficit doit être réduit à 31,6 millions $, selon le plan approuvé.
L’université affirme qu’elle maintiendra le gel de l’embauche de personnel et tentera de recruter davantage d’étudiants, mais qu’elle doit encore trouver près de 22 millions $ d’économies pour atteindre son seuil obligatoire de déficit. McGill et Concordia affirment toutes deux que des déficits persistants pourraient affecter leur cote de crédit et augmenter le coût des emprunts.
Raad Jassim, président du syndicat des chargés de cours et des instructeurs de McGill, a déclaré que les coupes budgétaires nuiront aux étudiants et à la qualité de leur éducation. Son syndicat représente environ 2000 chargés de cours, qui, selon lui, finiront par enseigner dans des classes plus nombreuses avec moins de soutien du personnel administratif et des assistants d’enseignement.
«Ce sera théâtral. Vous entrez, vous faites votre présentation et vous repartez», a-t-il déclaré. «Habituellement, nous passons beaucoup de temps en dehors de la salle de classe, que ce soit pour des cours particuliers ou des heures de bureau. Tout cela sera réduit.»
Maura Forrest, La Presse Canadienne